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Stylo plume

 

 

DILATATIONS ET CONDENSATIONS

On parle aussi d'amplification ou d'expansion. Ce procédé peut offrir de jolies perspectives dans le cadre de jeux poétiques où les participants, sans changer le fil conducteur d'un poème, peuvent à partir d'un texte en six ou huit syllabes, lui conférer cette "dilatation". Des vers bien construits seront à même de donner une "dimension" plus descriptive et éloquente à un poème original.

Il existe pas mal de procédés qui permettent de "broder" sur des textes déjà existants. Le "pastiche" et la "parodie", ainsi que le "collage", le "zutisme" ou encore le "patchwork poétique" offrent de multiples manières de transformer, agrandir ou imiter des poèmes d'auteurs célèbres. Tristan Derème a pratiqué la "dilatation" avec humour à partir d'un poème de Théophile Gautier "Premier sourire du printemps", dont il a transformé les octosyllabes en alexandrins.

Quant à la "condensation" c'est un procédé pseudo-littéraire qui consiste à diminuer la longueur du texte en sauvegardant, toutefois, les proportions de chacune de parties.  C'est le contraire de la "dilatation" qui, elle, l'agrandit par des ajouts plus ou moins habiles, selon l'adresse technique du poète.

La "glose", quant à elle, est une variété de la parodie. Techniquement, elle n'offre aucune difficulté particulière. Son principe est de paraphraser ou parodier en strophes de quatres vers un poème connu, de telle façon que du premier au dernier vers, chacun des vers du poème parodié réapparaisse à son tour dans la "glose", comme dernier vers de chacune des strophes. 

 

 

 

NOUVELLE CHANSON SUR UN VIEIL AIR
Exercice de « dilatation » d’après le poème
de Victor HUGO

S’il est un invitant et très charmant gazon
Que le ciel magnanime en protecteur arrose,
Où brille galamment, et en toute saison
Quelque grisante fleur nouvellement éclose,
Où l’on cueille lascif, pudique à pleine main,
Lys, roses, chèvrefeuille et odorant jasmin,
J’en veux faire humblement le paterne chemin
Où en gracilité et soin ton pied se pose.

S’il est un sein troublant, virginal, bien aimant
Dont l’innocence émeut et dont l’honneur dispose,
Dont le ferme devoir d’un entier dévouement
N’ait rien de critiquable ou encor de morose,
Si toujours l’excellence orne ce noble sein,
Bat dans l’intimité pour un digne dessein,
J’en veux faire un appui, qu’il devienne coussin
Où mes yeux brilleront lorsque ton front se pose.

S’il est un rêve qui se constelle d’amour,
Parfume au velours de la coquette rose,
Où l’on trouve en son cœur l’extase chaque jour,
Quelque pensée sublime en cette douce chose,
Un rêve insouciant que Dieu puissant bénit,
Où l’âme épanouie à l’âme aussi s’unit,
Oh ! qu’avec modestie j’en veux faire le nid,
Où ton cœur alangui bienveillamment se pose.

ANDRÉ

 

NOUVELLE CHANSON SUR UN VIEIL AIR (Poème original de Victor HUGO)

S'il est un charmant gazon
Que le ciel arrose,
Où brille en toute saison
Quelque fleur éclose,
Où l'on cueille à pleine main
Lys, chèvrefeuille et jasmin,
J'en veux faire le chemin
Où ton pied se pose !

S'il est un sein bien aimant
Dont l'honneur dispose,
Dont le ferme dévouement
N'ait rien de morose,
Si toujours ce noble sein
Bat pour un digne dessein,
J'en veux faire le coussin
Où ton front se pose !

S'il est un rêve d'amour
Parfumé de rose,
Où l'on trouve chaque jour
Quelque douce chose,
Un rêve que Dieu bénit,
Où l'âme à l'âme s'unit,
Oh ! j'en veux faire le nid
Où ton cœur se pose !

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MARINE

Exercice de « dilatation » d’après le poème
De Paul VERLAINE

L’Océan se déchaîne et sa force sonore
Palpite en rugissant, intrépide sous l’œil
De la lune blafarde en costume de deuil,
Et palpite au vertige, aux tempêtes encore,

Tandis, zébrant l’azur et qu’un soudain éclair
Brutal, avec ampleur dans ce décor sinistre,
Fend le ciel chahuté, plombé, couleur de bistre,
D’un long tracé de feu marbré au zigzac clair,

Et que sous cet enfer dans les flots chaque lame,
En bonds désordonnés, vaguement convulsifs,
Le long gémissement des malmenés récifs
Va, vient, affecté, mais malgré tout luit et clame,

Et qu’au dantesque chant montant au firmament
Où l’ouragan se perd quand son cauchemar erre,
Rugit durablement le fracas du  tonnerre
Si colossalement ! Si formidablement…


ANDRÉ

 

MARINE (Poème original de VERLAINE)

L'Océan sonore
Palpite sous l'oeil
De la lune en deuil
Et palpite encore,

Tandis qu'un éclair
Brutal et sinistre
Fend le ciel de bistre
D'un long zigzag clair,

Et que chaque lame,
En bonds convulsifs,
Le long des récifs
Va, vient, luit et clame,

Et qu'au firmament,
Où l'ouragan erre,
Rugit le tonnerre
Formidablement.

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AIMEZ-VOUS LE PASSÉ ?
Exercice de « dilatation » d’après le poème
De Jean-Paul TOULET

Aimez-vous évoquer, langoureux, le passé,
Et rêver attendri d'images et d’histoires,
Qui nourries par le temps offrent évocatoires
Aux contours de l’esprit songes presque effacés ?

Le vieilles métairies, aux solennelles chambres
Veuves de toute vie ne bruitent plus de pas,
Qui sentent tristement là devant moi, tout bas,
L’iris de l’autrefois et le parfum de l’ambre.

La pâleur des couleurs patine des portraits,
Des reliques en vrac, démodées et usées,
Que des morts délicats avec foi ont baisées,
Chère, combien céans aujourd’hui je voudrais

Qu’elles vous soient aussi à leur tour aussi chères,
Et vous parlent tout bas, ne serait-ce qu’un peu
D’un cœur énamouré devenu poussiéreux
Et plein d’impressions, de charme et de mystère.

ANDRÉ



Jean-Paul TOULET

AIMEZ-VOUS LE PASSÉ ? (Poème original)

Aimez-vous le passé
Et rêver d'histoires
Évocatoires
Aux contours effacés ?

Les vieilles chambres
Veuves de pas
Qui sentent tout bas
L'iris et l'ambre ;

La pâleur des portraits,
Les reliques usées
Que des morts ont baisées,
Chère, je voudrais

Qu'elles vous soient chères,
Et vous parlent un peu
D'un cœur poussiéreux
Et plein de mystère.

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SOLEILS COUCHANTS

Exercice de « dilatation » d’après le poème
De Paul VERLAINE

Une aube safranée par l’automne affaiblie
Verse avec nonchaloir par le ciel, par les champs,
La lumière précaire et la mélancolie
Des troublants coloris dans les soleils couchants.

L’amplitude des sons dans la mélancolie
Berce amoureusement l’harmonie de doux chants
Mon cœur qui dans l’instant communie et s’oublie
Aux labiles rayons des beaux soleils couchants.

Et semblent s’éveiller de bien étranges rêves,
Comme la démesure au spectre des soleils
Couchants, où les ombres s’agitent sur les grèves,
Fantômes d’un instant dans leurs heaumes vermeils.

Défilent devant moi des images sans trêves,
Défilent des reflets, des trompe-l’œil pareils
A l’échelle infinie de tous ces grands soleils
Couchants, désemparés, et mourants sur les grèves.

ANDRÉ



Paul VERLAINE   (1844-1896)

SOLEILS COUCHANTS  (Poème original)

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.

La mélancolie
Berce de doux chants
Mon cœur qui s'oublie
Aux soleils couchants.

Et d'étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants, sur les grèves,
Fantômes vermeils,

Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
A de grands soleils
Couchants sur les grèves.

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PAYSAGES BELGES

Exercice de « dilatation » d’après le poème
De Paul VERLAINE

Briques couvertes d’ocre et patine des tuiles,
Ô combien sont prisés ces galants et charmants
Petits lieux de rencontre et pudiques asiles,
Pour faire perdurer la flamme des amants.

Houblons en floraison, riches grappes de vignes,
Feuilles d’un vert de jade et odorantes fleurs,
Tentes aux parements figurant les insignes
Des amateurs de vins et autres francs buveurs !

Guinguettes encombrées aux couleurs d’aubes claires ;
Bière coulant à flot sous l’assaut des clameurs ;
Servantes bien garnies de milles choses chères
A tous les bons vivants et aux nombreux fumeurs.

Gares abandonnées, lointaines ou prochaines ;
Gais chemins sinueux : les souvenirs sont grands.
Quelles impressions, aussi quelles aubaines
Bons et discrets témoins peuple des juifs-errants.

ANDRÉ



Paul VERLAINE  

PAYSAGES BELGES  (Poème original)

Briques et tuiles,
O les charmants
Petits asiles
Pour les amants !

Houblons et vignes,
Feuilles et fleurs,
Tentes insignes
Des francs buveurs !

Guinguettes claires,
Bières, clameurs,
Servantes chères
A tous fumeurs !

Gares prochaines,
Gais chemins grands...
Quelles aubaines,
Bons juifs-errants !

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CHANSON D’AUTOMNE

Exercice de « dilatation » d’après le poème
De Paul VERLAINE

Les sanglots lancinants, grandioses et longs,
Des sensuels accords coulant des violons
De la triste saison sous les vents de l’automne,
Blessent infiniment les fibres de mon cœur
D’une indéfinissable et soudaine langueur
Affectant mes pensées d’un masque monotone.

Tout est mélancolie, assombri, suffocant
Et blême. Un vague à l’âme étreint mon âme quand
Sonne dans la vallée le carillon de l’heure…
Je me recueille en vain lorsque je me souviens
Des jours heureux, hélas, qui sont des jours anciens,
Et dans le soir d’exil je médite et je pleure.

Et pour seul compagnon au doute je m’en vais,
Au vent capricieux, indifférent, mauvais,
Qui froid me persécute et à loisir m’emporte
Deçà étourdissant, impertinent delà,
Pareil dans le destin qu’il distribue à la
Feuille virevoltant au sol et déjà morte.

ANDRÉ

 

Paul VERLAINE  (Poème original)

CHANSON D’AUTOMNE

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.

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À LA BELLE IMPERIEUSE

Exercice de « dilatation » d’après le poème
De Victor HUGO

L’amour est un empire où l’âme émue panique
De trouble et de désir affectant la raison,
Se jouant des folies que le cœur communique
Par le besoin de plaire engendrant le frisson.

Laissez-moi, je vous prie, résigné ceci dire :
N’accordez d’importance et n’objectivez rien,
Si jamais vous voyez que bien las je soupire.
Chantez tout simplement, ô oui chantez, c’est bien.

Si confus, égaré, longuement je demeure,
Triste et agenouillé, désarmé à vos pieds,
Et si au désarroi vous voyez que je pleure,
C’est bien, je vous en prie, tout simplement riez !

Un homme en vérité paraît plus qu’il ne semble,
Souvent révélateur sous un profil trompeur ;
Mais si vous observez qu’au fond de moi je tremble,
Belle impérieuse, croyez-moi, ayez peur.

ANDRÉ

 

Victor HUGO  (Poème original)

À LA BELLE IMPERIEUSE

L'amour, panique
De la raison,
Se communique
Par le frisson.

Laissez-moi dire,
N'accordez rien.
Si je soupire,
Chantez, c'est bien.

Si je demeure,
Triste, à vos pieds,
Et si je pleure,
C'est bien, riez.

Un homme semble
Souvent trompeur.
Mais si je tremble,
Belle, ayez peur.

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EN HIVER LA TERRE PLEURE

Exercice de « dilatation » d’après le poème
De Victor HUGO

En hiver, quand le gel fait que la terre pleure,
Le soleil froid revêt son aspect pâle et doux,
Vient tard craintif, douteux, et il part de bonne heure,
Ennuyé, affecté, mais probe au rendez-vous

Leurs idylles forcées sont de sources moroses.
- Soleil ! pourtant aimons ! – Coude à coude essayons.
O terre idolâtrée, mais où sont donc tes roses ?
- Astre considéré où s’enfuient tes rayons ?

Il prend obscur et vague un prétexte de grêle,
De vent intempestif, nuage noir ou blanc,
Et dit impérieux : - Mais c’est la nuit, ma belle ! -
Et la fait survenir sur ces mots s’en allant ;

Comme un amant déchu qui discret se retire,
Chaque jour s’alourdit son cœur du pesant nœud,
Et, à court d’arguments ne sachant plus que dire,
S’en va dans le brouillard, contrit, dès qu’il le peut.

ANDRÉ

 

Victor HUGO  (Poème original)

EN HIVER LA TERRE PLEURE

En hiver la terre pleure ;
Le soleil froid, pâle et doux,
Vient tard, et part de bonne heure,
Ennuyé du rendez-vous.

Leurs idylles sont moroses.
- Soleil ! aimons ! - Essayons.
O terre, où donc sont tes roses ?
- Astre, où donc sont tes rayons ?

Il prend un prétexte, grêle,
Vent, nuage noir ou blanc,
Et dit : - C'est la nuit, ma belle ! -
Et la fait en s'en allant ;

Comme un amant qui retire
Chaque jour son coeur du noeud,
Et, ne sachant plus que dire,
S'en va le plus tôt qu'il peut.

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LE RIDEAU DE MA VOISINE

Exercice de « dilatation » d’après le poème
D’Alfred de MUSSET

Le rideau vaporeux de ma chère voisine
Se soulève à l’instant et plutôt lentement.
Elle va d’ici peu sortir, je l’imagine,
Prendre un bol d’air grisant savourant le moment.

On entr’ouvre aussitôt la vétuste fenêtre :
Je sens un grand émoi et mon cœur palpiter.
Elle veut, j’en suis sûr, apercevoir peut-être
Si je suis là caché, en train de la guetter.

Mais, hélas ! me dis-je, tu ne poursuis qu’un rêve ;
Ma voisine, je sais, aime un triste lourdaud,
Et c’est le vent, hélas, qui bien tout seul soulève
Le coin léger trompeur de son sacré rideau.

ANDRÉ

 

Alfred de MUSSET  (Poème original)

LE RIDEAU DE MA VOISINE

Le rideau de ma voisine
Se soulève lentement.
Elle va, je l'imagine,
Prendre l'air un moment.

On entr'ouvre la fenêtre :
Je sens mon cœur palpiter.
Elle veut savoir peut-être
Si je suis à guetter.

Mais, hélas ! ce n'est qu'un rêve ;
Ma voisine aime un lourdaud,
Et c'est le vent qui soulève
Le coin de son rideau.

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ROSA FÂCHÉE

Exercice de « dilatation » d’après le poème
Victor HUGO

Une querelle ? Allons ! dites-moi donc pourquoi ?
Mon Dieu, tout simplement parce qu’un couple s’adore.
A peine s’est-on dit, regard dans les yeux : Toi !
Que Vous, sans trop tarder, se hâte bien d’éclore.

Le cœur contrarié tire un brin sur son nœud ;
L’azur fuit, se soustrait, laissant l’âme diverse.
L’amour devient un ciel qui se couvre et qui pleut
Sur les fronts amoureux, et ruisselant à verse.

De même, qu’en flânant, confiant, sans effroi,
Dans l’exquise forêt que juin de chaleur dore,
On va rôder discret, et sur la simple foi
Des promesses voilées par les rais de l’aurore.

On peut trompeusement être pris dès le soir,
Car hélas le beau temps, labile, souvent triche,
Par l’arrivée, soudain, d’un gros nuage noir
Qui n’était programmé comme acteur de l’affiche.

ANDRÉ

 

Victor HUGO  (Poème original)

ROSA FÂCHÉE

Une querelle. Pourquoi ?
Mon Dieu, parce qu'on s'adore.
À peine s'est-on dit Toi
Que Vous se hâte d'éclore.

Le coeur tire sur son noeud ;
L'azur fuit ; l'âme est diverse.
L'amour est un ciel, qui pleut
Sur les amoureux à verse.

De même, quand, sans effroi,
Dans la forêt que juin dore,
On va rôder, sur la foi
Des promesses de l'aurore,

On peut être pris le soir,
Car le beau temps souvent triche,
Par un gros nuage noir
Qui n'était pas sur l'affiche.

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VOICI QUE LA SAISON DÉCLINE

Exercice de « dilatation » d’après le poème
de Victor HUGO

Voici que la saison dans le frimas décline,
L’ombre s’étend, grandit ; Dolent, l’azur décroît ;
Le vent s’enorgueillit, fraîchît sur la colline ;
L’oiseau, dans son exil, frissonne et l’herbe à froid.

Août conduit son combat, contre septembre lutte ;
L’océan délaissé  engloutit l’alcyon ;
Chaque jour s’amoindrit et perd une minute,
Chaque aurore meurtrie pleure un pâle rayon.

La mouche indifférente, isolée, prise au piège,
Est immobile en haut, au coin de mon plafond.
Et tout autour de moi, comme un flocon de neige,
Petit à petit l'été se dérobe et fond.

 ANDRÉ

 

Victor HUGO  (Poème original)

VOICI QUE LA SAISON DÉCLINE

Voici que la saison décline,
L'ombre grandit, l'azur décroît,
Le vent fraîchit sur la colline,
L'oiseau frissonne, l'herbe a froid.

Août contre septembre lutte ;
L'océan n'a plus d'alcyon ;
Chaque jour perd une minute,
Chaque aurore pleure un rayon.

La mouche, comme prise au piège,
Est immobile à mon plafond ;
Et comme un blanc flocon de neige,
Petit à petit, l'été fond.

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CETTE ANNE

Exercice de « dilatation » d’après le poème
de François de MALHERBE

Cette Anne affriolante, enjôleuse et si belle,
Qu’on vante et dont on loue tous les charmes si fort,
Pourquoi hésite-t-elle et prompte ne vient-elle,
Vraiment cette beauté s’économise à tort.

Son LOUIS rondouillard s’épuise et puis soupire
Après son beau minois et ses riches appas,
Que veut-elle savoir et que veut-elle dire
De rester calfeutrée et de ne venir pas ?

S’il ne parvient le pauvre à ce qu’il la possède,
Il s’en va décliner, qui sait bientôt mourir ;
Donnons-lui la raison de montrer le remède,
Allons, et sans tarder, aussitôt la quérir.

Assemblons sans tabou, agréable MARIE,
Ses yeux interposés à vos bienséants yeux ;
Notre concupiscence et gente bergerie
N’en vaudra, n’en doutez, que ce qui est le mieux.

Hâtons, ma belle Dame, un exaltant voyage,
Le siècle nous attend dans l’empyrée doré ;
En ce bouquet d’amour la vue du mariage,
Nous invite au bonheur, le moment assuré.

ANDRÉ

 

Victor HUGO (Poème original)

CETTE ANNE

Cette Anne si belle,
Qu'on vante si fort,
Pourquoi ne vient-elle,
Vraiment elle a tort ?

Son LOUIS soupire
Après ses appas,
Que veut-elle dire
De ne venir pas ?

S'il ne la possède
Il s'en va mourir,
Donnons-y remède,
Allons la querir.

Assemblons, MARIE,
Ses yeux à vos yeux,
Notre bergerie
N'en vaudra que mieux.

Hâtons le voyage,
Le siècle doré
En ce mariage
Nous est assuré.

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QUAND JUIN S’ÉLÉGANTISE

« Glose » sur un poème de Victor HUGO

Quand juin s’élégantise au soir dans les grands champs
Et répand ses bouquets sur une herbe encor verte,
En fin d’après-midi les décors sont touchants.

L’été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte

L’étendue s’angélise et, à perte de vue,
Offre un tapis soyeux immense célébrant
Ce fleuron ordonné, de richesse pourvue :

La plaine verse au loin un parfum enivrant.

Conquis de plénitude au charme de l’instant,
Pétri d’émotion, de douce découverte,
Le chant des passereaux en devient entêtant.

Les yeux fermés, l’oreille aux rumeurs entrouverte,

On se plaît à goûter la poésie muette
Qui répand dans le soir le bien-être inhérent
Sous la voûte éthérée et sa lune coquette ;

On ne dort qu’à demi d’un sommeil transparent.

Quand l’ivresse des sens rayonne en majesté
Façonnant le regard de paix intérieure,
Le ciel prend son pouvoir et dans l’intimité

Les astres sont plus purs, l’ombre paraît meilleure.

La prairie tout entière à l’heure frémissante,
Bien lentement s’endort au philtre fraternel
Du murmure feutré, image saisissante :

Un vague demi-jour teint le dôme éternel.

Dans cet instant qui fuit l’étrange volupté
S’étend au gazonneux, de sa magie l’effleure.
Une brise se lève en la complicité,

Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure,

Laisse égrener le temps sur la terre endormie.
Vers l’horizon poudreux, doux, providentiel,
La nature au silence offre son alchimie,

Semble toute la nuit errer au bas du ciel.

ANDRÉ

 

Victor HUGO

NUITS DE JUIN (Poème original)

L’été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte
La plaine verse au loin un parfum enivrant ;
Les yeux fermés, l’oreille aux rumeurs entrouverte,
On ne dort qu’à demi d’un sommeil transparent.

Les astres sont plus purs, l’ombre paraît meilleure ;
Un vague demi-jour teint le dôme éternel ;
Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure,
Semble toute la nuit errer au bas du ciel.

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JEANNE INSOUCIANTE

« Glose » sur un poème de Victor HUGO

Tout lui sourit et peu lui chaut de l’embarras,
Tant que la vie sans ses soucis, bénie, l’honore.
Elle fait fi de tout tracas : bon débarras !

 
Jeanne parle, elle dit des choses qu’elle ignore.

Elle prend tout avec grande légèreté,
Ne se préoccupant que de ce qu’elle adore,
Et parfois agissant avec naïveté,

Elle envoie à la mer qui gronde, au bois sonore

L’interlocution menant à la contrainte.
Ne désirant être la proie de tout tourment,

Jeanne, habile, expédie, et pour chasser la crainte,

À la nuée, aux fleurs, aux nids, au firmament

Chaque petit problème et se sent soulagée.
Marchant parmi les fleurs, bien inconsciemment,
Elle fredonne un air de quiétude gorgée

À l’immense nature : un doux gazouillement.

Et le chant des oiseaux accompagne ses pas,
Tandis que dans l’éther la lune, enfin, se lève,
Quand semble chuchoter à la ronde, ici-bas,

Tout un discours, profond peut-être, qu’elle achève.

Sans souci et bohème, elle prend tout son temps ;
Se grise pour un rien et aux journées prélève
Ce qu’offre le meilleur pour qu’il dure longtemps,

Par un sourire où flotte une âme, où tremble un rêve.

Jamais désemparée, jamais le vague à l’âme,
Elle aime parcourir, le regard éveillé,
Ce sentier solitaire où son esprit se pâme :

Murmure indistinct, vague, obscur, confus brouillé

Qui la guide et l’escorte au jour qui s’amenuise
Et dont elle désire au babil détaillé,
S’entretenir sans fin et sans qu’elle s’épuise…

Dieu le bon vieux grand père, écoute émerveillé.

ANDRÉ

 


Victor HUGO

JEANNE FAIT SON ENTRÉE (Poème original)

Jeanne parle ; elle dit des choses qu'elle ignore ;
Elle envoie à la mer qui gronde, au bois sonore,
A la nuée, aux fleurs, aux nids, au firmament,
A l'immense nature un doux gazouillement,
Tout un discours, profond peut-être, qu'elle achève
Par un sourire où flotte une âme, où tremble un rêve,
Murmure indistinct, vague, obscur, confus, brouillé.
Dieu, le bon vieux grand-père, écoute émerveillé.

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Dans le cadre des jeux poétiques et des exercices de style, je vous propose une application que je pense avoir imaginée, sous toute réserve toutefois, et que j'ai intitulée "L'enter-poétique" (qui signifie "ajouter", greffer).

À partir d'un poème original composé en alexandrins, on conserve le premier hémistiche sans rien changer, et on imagine les six syllabes suivantes, pour le second hémistiche. Puis, au second vers, on commence par le second hémistiche original du premier vers, auquel on ajoute une suite à la place de celui de l'auteur. Et ainsi de suite, jusqu'à la fin du poème.

Plus qu'une longue et fastidieuse explication, les deux poèmes originaux de Victor HUGO, intitulés "Hier au soir" et "Dans ce jardin antique", suivis de mon application, ci-dessous, vous permettront de comprendre immédiatement le principe de cet exercice de style.

Particularité : en lisant simplement les seuls premiers hémistiches de gauche de cet exercice de style, le poème original réapparait.

 

HIER AU SOIR

(enter-poétique sur le poème de Victor HUGO)

Hier le vent du soir
, à peine perceptible,
Dont le souffle caresse
avec limpidité,
Nous apportait l’odeur
profonde, irrésistible,
Des fleurs qui s’ouvrent tard
dans leur complicité.
La nuit tombait, l’oiseau,
aux branches protectrices,
Dormait dans l’ombre épaisse
à l’abri d’un grand pin ;
Le printemps embaumait
d’essences séductrices,
Moins que votre jeunesse
et qu’aucun mot ne peint.
Les astres rayonnaient
, forces révélatrices,
Moins que votre regard
amical et taquin.

Moi, je parlais tout bas
, seulement un murmure ;
C’est l’heure solennelle
où tout se fait discret,
Où l’âme aime à chanter
sous la verte ramure,
Son hymne le plus doux
, aussi le plus secret.
Voyant la nuit si pure
et bien enchanteresse,
Et vous voyant si belle
assise à mes côtés,
J’ai dit aux astres d’or
d’une voix de tendresse :
Versez le ciel sur elle
et toutes vos bontés !
Et j’ai dit à vos yeux
sans que cela paraisse :
Versez l’amour sur nous, sur nos cœurs transportés !

ANDRÉ

 

Victor HUGO

HIER AU SOIR (poème original)

Hier, le vent du soir, dont le souffle caresse,
Nous apportait l'odeur des fleurs qui s'ouvrent tard ;
La nuit tombait ; l'oiseau dormait dans l'ombre épaisse.
Le printemps embaumait, moins que votre jeunesse ;
Les astres rayonnaient, moins que votre regard.

Moi, je parlais tout bas. C'est l'heure solennelle
Où l'âme aime à chanter son hymne le plus doux.
Voyant la nuit si pure et vous voyant si belle,
J'ai dit aux astres d'or : Versez le ciel sur elle !
Et j'ai dit à vos yeux : Versez l'amour sur nous !

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DANS CE JARDIN ANTIQUE…

(Enter-poétique sur le poème de Victor HUGO)

Dans ce jardin antique
où fleure le bien-être,
Où les grandes allées
attardant le regard
Passent sous les tilleuls
notoires qui font naître
Si chastes, si voilées
l’orient de leur fard,
Que toute fleur qui s’ouvre
, offrande à la nature,
Y semble un encensoir
louangé par les dieux,
Où, marquant tous ses pas
de divine parure,
De l’aube jusqu’au soir
, dans l’aspect radieux,
L’heure met tout à tour
, en habit de lumière,
Dans les vases de marbre
enchâssant son sablier,
Les rayons du soleil
sur la rose trémière
Et les ombres de l’arbre
au tempo familier.
Anges, vous le savez
, connaissant ma pensée,
Oh ! comme avec amour
et admiration,
Rêveur, je regardais
, la raison caressée,
Dans la clarté du jour
avec émotion
Jouer l’oiseau qui vole
en pépiant, gracile,
Et la branche qui plie
avec plasticité.
Et de quels doux pensers
, perception docile,
Mon âme était remplie
avec exquisité.
Tandis que l’humble enfant
, superbe d’innocence,
Dont je baise le front
juvénile et soyeux,
Avec son pas hardi
rempli de confiance,
Pressant mon pas moins prompt
, aussi moins gracieux,
Marchait en m’entraînant
dans son allure fière,
Vers la grotte où le lierre
y devient abondant,
Met une barbe verte
, imprévue, singulière,
Au vieux fleuve de pierre
illustre et transcendant.

ANDRÉ



 
Victor HUGO

DANS CE JARDIN ANTIQUE… (poème original)

Dans ce jardin antique où les grandes allées
Passent sous les tilleuls si chastes, si voilées
Que toute fleur qui s'ouvre y semble un encensoir,
Où, marquant tous ses pas de l'aube jusqu'au soir,
L'heure met tour à tour dans les vases de marbre
Les rayons du soleil et les ombres de l'arbre,
Anges, vous le savez, oh ! comme avec amour,
Rêveur, je regardais dans la clarté du jour
Jouer l'oiseau qui vole et la branche qui plie,
Et de quels doux pensers mon âme était remplie,
Tandis que l'humble enfant dont je baise le front,
Avec son pas joyeux pressant mon pas moins prompt,
Marchait en m'entraînant vers la grotte où le lierre
Met une barbe verte au vieux fleuve de pierre !

 
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RÉJOUISSANCE

Exercice de "dilatation" d'après le poème "L'aurore s'allume",
de Victor HUGO

L'aurore doucement dans les guérets s'allume ;
L'ombre épaisse vaincue, indifférente fuit ;
Le rêve clandestin et l'insondable brume
Vont rejoindre les lieux où repose la nuit.
Paupières en sommeil et pétales de roses
S'ouvrent timidement, bien qu'encor demi-closes ;
Du réveil paresseux dont d'innombrables choses
On entend, malgré tout, le reliquat du bruit.

Tout chante, s'illumine, s'orne et puis murmure,
Tout s'éveille à la vie et tout parle à la fois,
Fumée dans les bories, nuances de verdure,
Les nids, pleins d'oisillons, suspendus sous les toits ;
Le vent léger s'infiltre et soyeux parle aux chênes,
L'eau parle bienveillante aux coquettes fontaines ;
Toutes les effluves, l'ensemble des haleines
Deviennent l'alchimie de délectables voix.

Tout reprend son attrait et révèle son âme,
L'enfant dans le berceau agite son hochet,
Le foyer y retrouve épanouie sa flamme,
Le luth recouvre aussi son fascinant archer ;
Folie d'enchantement ou occulte démence,
Dans le monde éveillé l'entrain devient immense,
Chacun en mouvement avec soin recommence
Ce qu'empressé la veille encore il ébauchait.

Qu'on pense avec sagesse ou que d'instinct on aime,
Sans cesse au sentiment, au bon goût agité,
Vers l'accomplissement, cherchant le but suprême,
Tout vole, s'amalgame, au destin emporté.
L'esquif dans le ressac est en quête d'un môle,
L'abeille s'évertue à trouver un vieux saule,
La boussole s'y perd pour estimer le pôle,
Moi, en ingénuité, j'envie la vérité.
 
II

Vérité intangible et vérité profonde !
Granit indélébile au support éprouvé
Qu’au fond indéfini envahissant toute onde
Mon ancre téméraire en constance a trouvé !
De ce monde labile, inquiétant et bien sombre
Où passent fugitifs, inattendus dans l’ombre
Des songes disloqués, capricants et sans nombre,
Plafond aléatoire, éphémère pavé !

Vérité embellie au griffon du beau fleuve
Que rien ne vient troubler, qu’aucune eau ne tarit ;
Source de poésie où la splendeur s’abreuve,
Tige décorative où tout, autour, fleurit !
Lampe d’enchantement que Dieu bienveillant pose
Près de cette nature en servant toute cause !
Clarté de sainteté qu’avec bonheur la chose
Envoie avec pudeur au souffle de l’esprit !

Arbre majestueux couvert de rude écorce,
Chêne au vernis pâli orné d’un vaste front,
Que selon ses besoins ajoutés à sa force
L’homme ploie à dessein ou bien encore rompt,
D’où l’ombre projetée sur le gazon s’épanche ;
Où chacun à l’envi de son plein gré se penche,
L’un ayant adopté le choix sur une branche,
L’autre ayant décidé que ce serait le tronc.

Mont inimaginable où tout chante et ruisselle !
Gouffre considérable où tout vient et s’en va !
Sublime, lumineuse, imposante étincelle
Que fait surgir, soudain, au charme Jéhova !
Rayon opalescent qu’on loue ou qu’on blasphème !
Œil calme inquisiteur et vision suprême
Qu’au front de Dieu troublé, dans le désordre même
L’homme cruellement à son destin creva !

III

Ô Terre généreuse ! ô palpables merveilles
Dont l’éclat nous parvient et résonne joyeux,
Emplit avec pudeur nos sensibles oreilles,
Eblouit de fraîcheur et de grâce nos yeux !
Bords finement brodés où meut l’instable vague,
Bois bien luxuriant qu’un subtil souffle élague,
De l’horizon serein, à la fois pur et vague,
Plis de raffinement et de mystérieux !

Azur évanescent où languide se voile
L’eau incommensurable issue du gouffre amer,
Quand, momentanément, laissant libre ma voile
Fuir paresseusement, guidée au gré de l’air,
Penché, contemplatif, le regard sur la lame,
J’écoute avec l’égard et l’étendue de l’âme
Cet appel envoûtant, plaisant épithalame,
Que chante incessamment le soupir de la mer.

Azur de connivence à l’aspect non moins tendre
Du ciel épanoui qui s’épanche et sourit
Quand les sens en éveil, aussi tâchant d’entendre,
Je cherche et je surveille, ô divine nature,
Ce qu’intuitivement peut me dire l’esprit ;
La parole, souvent, est cette chose obscure
Que le vent éparpille et sibyllin murmure,
Que l’étoile saisit et sur mon front écrit.

Création transcendante et d’une force pure !
Être d’exception, emblème universel !
Océan colossal, titanesque ceinture
De tout qui sur la terre opère sous le ciel !
Astres vertigineux que du lointain fait naître
Le souffle vénérable et consacré du maître,
Fleurs de félicité où Dieu même, peut-être,
Cueille en ce nirvâna quelque rarescent miel.

IV

Ô champs luxuriants ! ô bienfaisants feuillages !
Monde da vastitude au profil fraternel !
Clocher bien rassurant et fleuron des villages,
Humble décor de foi, vétuste, solennel.
Mont s’élevant au ciel et qui fier porte l’aire ;
Aube fraîche drapant une atmosphère claire ;
Sourire familier, bien qu’il soit éphémère,
De l’astre nourricier, ornement éternel.

N’êtes vous « création » qu’un insondable livre
Sans fin, reconductible et n’ayant ni milieu,
Où chacun confronté à un sursis pour vivre
Cherche, persévérant, comment y lire un peu !
Phrase spéculative et pourtant si profonde
Qu’en vain, désabusé, en tout temps on la sonde ;
L’œil y voit un miroir ou bien y voit le monde,
L’âme arbitre en silence et elle y trouve Dieu.

Beau livre hallucinant d’apparences qu’achèvent
Les cœurs obéissants, soumis et ingénus,
Où les penseurs se ruent et bien crédules rêvent
Des sens se bousculant, la plupart inconnus ;
Où ceux que Dieu lui-même attentionné charge
D’un front compatissant, à la fois vaste et large,
Ecrivent en créance, ordonnés et en marge :
Nous avons entendus, nous sommes tous venus.

Saint livre inestimable où la mutine voile
Qui flotte élégamment en tous temps, en tous lieux,
Saint livre ésotérique où se cache l’étoile
Qui rayonne anonyme en s’offrant à nos yeux,
Ne trace tourmenté, ô consacré mystère,
Qu’un nom libérateur, singulier, solitaire,
Qu’un nom qui se répand aux sources de la terre,
Qu’un nom ressuscité, lumière dans les cieux.

Livre authentique, rare autant que salutaire,
Où le cœur attendri dans l’engouement s’emplit,
Où tout sage exercé, pénétré et austère
Travaille vaillamment, mais aussi en pâlit,
Dont le sens épineux, délicat et rebelle,
Parfois inespéré à l’esprit se révèle.
Pythagore assidu avec humour épelle
Et Moïse attentif, charismatique : lit !


ANDRÉ
 

 
Victor HUGO (Poème original)

L'AURORE S'ALLUME

L'aurore s'allume ;
L'ombre épaisse fuit ;
Le rêve et la brume
Vont où va la nuit ;
Paupières et roses
S'ouvrent demi-closes ;
Du réveil des choses
On entend le bruit.

Tout chante et murmure,
Tout parle à la fois,
Fumée et verdure,
Les nids et les toits ;
Le vent parle aux chênes,
L'eau parle aux fontaines ;
Toutes les haleines
Deviennent des voix !

Tout reprend son âme,
L'enfant son hochet,
Le foyer sa flamme,
Le luth son archet ;
Folie ou démence,
Dans le monde immense,
Chacun. recommence
Ce qu'il ébauchait.

Qu'on pense ou qu'on aime,
Sans cesse agité,
Vers un but suprême,
Tout vole emporté ;
L'esquif cherche un môle,
L'abeille un vieux saule,
La boussole un pôle,
Moi la vérité !
 
II

Vérité profonde !
Granit éprouvé
Qu'au fond de toute onde
Mon ancre a trouvé !
De ce monde sombre,
Où passent dans l'ombre
Des songes sans nombre,
Plafond et pavé !

Vérité, beau fleuve
Que rien ne tarit !
Source où tout s'abreuve,
Tige où tout fleurit !
Lampe que Dieu pose
Près de toute cause !
Clarté que la chose
Envoie à l'esprit !

Arbre à rude écorce,
Chêne au vaste front,
Que selon sa force
L'homme ploie ou rompt,
D'où l'ombre s'épanche ;
Où chacun se penche,
L'un sur une branche,
L'autre sur le tronc !

Mont d'où tout ruisselle !
Gouffre où tout s'en va !
Sublime étincelle
Que fait Jéhova !
Rayon qu'on blasphème !
Oeil calme et suprême
Qu'au front de Dieu même
L'homme un jour creva !

III

Ô Terre ! ô merveilles
Dont l'éclat joyeux
Emplit nos oreilles,
Eblouit nos yeux !
Bords où meurt la vague,
Bois qu'un souffle élague,
De l'horizon vague
Plis mystérieux !

Azur dont se voile
L'eau du gouffre amer,
Quand, laissant ma voile
Fuir au gré de l'air,
Penché sur la lame,
J'écoute avec l'âme
Cet épithalame
Que chante la mer !

Azur non moins tendre
Du ciel qui sourit
Quand, tâchant d'entendre
Je cherche, ô nature,
Ce que dit l'esprit,
La parole obscure
Que le vent murmure,
Que l'étoile écrit !

Création pure !
Etre universel !
Océan, ceinture
De tout sous le ciel !
Astres que fait naître
Le souffle du maître,
Fleurs où Dieu peut-être
Cueille quelque miel !

IV

Ô champs ! ô feuillages !
Monde fraternel !
Clocher des villages
Humble et solennel !
Mont qui portes l'aire !
Aube fraîche et claire,
Sourire éphémère
De l'astre éternel !

N'êtes-vous qu'un livre,
Sans fin ni milieu,
Où chacun pour vivre
Cherche à lire un peu !
Phrase si profonde
Qu'en vain on la sonde !
L'œil y voit un monde,
L'âme y trouve un Dieu !

Beau livre qu'achèvent
Les coeurs ingénus ;
Où les penseurs rêvent
Des sens inconnus ;
Où ceux que Dieu charge
D'un front vaste et large
Ecrivent en marge :
Nous sommes venus !

Saint livre où la voile
Qui flotte en tous lieux,
Saint livre où l'étoile
Qui rayonne aux yeux,
Ne trace, ô mystère !
Qu'un nom solitaire,
Qu'un nom sur la terre,
Qu'un nom dans les cieux !

Livre salutaire
Où le cour s'emplit !
Où tout sage austère
Travaille et pâlit !
Dont le sens rebelle
Parfois se révèle !
Pythagore épelle
Et Moïse lit !


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NUIT DE JUIN

Enter poétique sur le poème de Victor HUGO

L’été, lorsque le jour dans sa magnificence
A fui, de fleurs couverte et d’amène senteur,
La plaine verse au loin bien de luxuriance :
Un parfum enivrant, généreux, séducteur.
Les yeux fermés, l’oreille attentive et sensible
Aux rumeurs entrouverte, au moindre bruit feutré,
On ne dort qu’à demi à l’orée intangible
D’un sommeil transparent, le rêve idolâtré.

Les astres sont plus purs, sous l’empyrée limpide
L’ombre paraît meilleure, invite à la langueur ;
Un vague demi-jour, d’apparence timide,
Teint le dôme éternel dans l’accorte tiédeur.
Et l’aube douce et pâle, hésite et patiente
En attendant son heure, au vaporeux éden ;
Semble toute la nuit, d’une aura ambiante,
Errer au bas du ciel, s’y distraire à dessein.


__________________


NUIT DE JUIN

 Poème original de Victor HUGO

L'été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte
La plaine verse au loin un parfum enivrant ;
Les yeux fermés, l'oreille aux rumeurs entrouverte,
On ne dort qu'à demi d'un sommeil transparent.

Les astres sont plus purs, l'ombre paraît meilleure ;
Un vague demi-jour teint le dôme éternel ;
Et l'aube douce et pâle, en attendant son heure,
Semble toute la nuit errer au bas du ciel.



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CONTREPÈTERIE

Appelée "antistrophe" ou "équivoque" au XVIe siècle, la contrepèterie est un jeu de mots, une figure de style qui consiste à permuter des lettres ou des syllabes dans une phrase, afin d’obtenir un nouveau sens comique. Le jeu consiste à retrouver cette seconde phrase qui, le plus souvent, est salace, et même grivoise.

Il y a toujours une petite zone de flou parce que la contrepèterie est orale, c’est le son qui compte, l’orthographe en prend quelquefois un coup. Contrepèterie signifie : "substituer".

RABELAIS est à l'origine de ce procédé. Mais Etienne TABOUROT, BALZAC ainsi que Victor HUGO s'y sont frottés (volontairement ou involontairement) dans leurs œuvres.

Voici un petit patchwork dans lequel j'ai rassemblé quelques exemples pour en former un poème.

Pour les non-initiés, il suffit d'inverser les lettres en gras dans le texte pour lire celui-ci autrement.

 

L’ART DE DÉCALER LES SONS

Madame la marquise est folle de la messe ;
Lui, déplore la foule, et monsieur le curé
Dans la quête des fonds, compte sur sa largesse,
Si vieux soit-il, toujours fraichement tonsuré.

Jadis, il lui offrit, en gage de bonté,
Une bien belle, rare et riche pierre fine,
N’ayant ni fin, ni cesse envers la charité,
Partageant petit verre avec la citadine

Dont le bon goût du blanc était réjouissance.
Dès bouchées à la reine et de la pâte à choux
Complétaient galamment le petit intermède :
Dans la classe des grands il n’y a de verrous
Pour deux être badins que celui de l’entraide.

Quand monsieur le curé l’invitait au repas :
-« Marquise », disait-il, « goûtez-moi cette farce ! »
De fine appellation, le vin était sympa.
-« Ce blanc me grise », ajouta-t-elle un peu comparse…

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NUIT TOMBANTE
Exercice de « condensation » d’après le poème
de Victor HUGO

Ô soir calme et silencieux
Septentrion, delta des cieux,
Ecrit ton nom en majuscule !
Vénus, au blême crépuscule,
Traînant obscur et convulsif
Le bûcheron l’esprit pensif,
La marmite chauffant son ventre,
Rit. L’oiseau dort et le boeuf rentre.
Les ânes, eux, portent leurs bâts.
Tout bruit cesse : on entend tout bas
Jaser quelque pied-d’alouette.
L’horizon mue en silhouette,
Les hallier noirs, couleurs de nuit,
Tressaillent. L’eau parfois reluit.
Nénuphars blancs peuplés des fées,
Fleurs bleues, iris et les nymphées,
Penchés, mirent leurs sombres yeux
Aux miroirs clairs, mystérieux.

ANDRÉ

 

Victor HUGO (Poème original)

  NUIT TOMBANTE 

Vois le soir qui descend calme et silencieux.
Septentrion, delta de soleils, dans les cieux
Écrit du nom divin la sombre majuscule ;
Vénus, pâle, éblouit le blême crépuscule ;
Traînant quelque branchage obscur et convulsif,
Le bûcheron convoite en son esprit pensif
La marmite chauffant au feu son large ventre,
Rit, et presse le pas ; l'oiseau dort, le bœuf rentre,
Les ânes chevelus passent portant leurs bâts ;
Puis tout bruit cesse aux champs, et l'on entend tout bas
Jaser la folle avoine et le pied-d'alouette.
Tandis que l'horizon se change en silhouette
Et que les halliers noirs au souffle de la nuit
Tressaillent, par endroits l'eau dans l'ombre reluit,
Et les blancs nénuphars, fleurs où vivent des fées,
Les bleus myosotis, les iris, les nymphées,
Penchés et frissonnants, mirent leurs sombres yeux
Dans de vagues miroirs, clairs et mystérieux.

barre-echos-2.pngPOÈTE, IL FAUT RÊVER...

Poème sur le procédé de l'antépiphore qui tient à la fois du "refrain", de "l'anaphore" et de "l'épiphore", et qui consiste dans la répétition, en tête et à la fin d'une strophe d'un même vers.

Quand tout se fait frivole, apparence ou insane,
Reste la poésie qui rêve sans orgueil ;
Du cœur elle confie sa beauté courtisane,
Profonde, elle enrichit ce qui échappe à l'œil,
Quand tout se fait frivole, apparence ou insane.

Quand la beauté éclot aux purs transports de l'âme,
Et dans ses fondements s'adresse au vénéré,
Elle inspire au réel ce qu'un regard réclame,
Faisant la part du vrai, le bon sens mesuré...
Quand la beauté éclot aux purs transports de l'âme.

Quand souvent le futile adule l'habitude,
Nous tente et puis nous trompe aux yeux du jugement,
La pauvre vérité, dans sa sollicitude,
Nous ouvre les regards bien inopinément,
Quand souvent le futile adule l'habitude.

Poète, il faut rêver pour comprendre le monde,
Car dans l'inconscient est l'authenticité ;
Et l'âme intérieure éclaire vagabonde,
Tout ce qui peut paraître et n'a jamais été.
Poète, il faut rêver pour comprendre le monde.

ANDRÉ

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Quelle étrange homophonie que ces poèmes s'appuyant sur de courts textes se présentant comme des doublets, une phrase suivie d'une autre. Chaque phrase se fait entendre de la même manière que sa jumelle dans une similitude de sons. Cependant, les deux divergent radicalement par leur sens et par leur orthographe. Il s'agit d'holorimes. Un vers holorime est un vers qui se lit tel qu'il a été écrit, mais qui donne à entendre en même temps tout à fait autre chose. Il s'y cache un second sens facétieux. Un petit exemple, ci-dessous, de mes cogitations.
 

HALL AUX RIMES
HOLORIMES

Et je vide ma plume et me désole aux rimes
Et je vis de ma plume et mets des holorimes ;
C’est un terrain connu : pacifier les mots,
Comme en terre inconnue : pas s’y fier, les maux
Sont bien un puits sans fond tant aux idées qu’aux modes ;
Sont bien un puissant fond, tantôt idées commodes
Paraissant sans valeur, mais sages dans l’épreuve.
Paressant, s’en va l’heure, message dans les preuves…
L’art nourrit ! Et aux holorimes, consentant,
L’art nous rit : c’est au hall aux rimes qu’on s’entend !
Que des hauts et des bas : souvent dans la mélasse ;
Que des Oh ! et des Bah ! souvent dans l’âme lasse,
Où d’un pas sage, avide, en mon stylo à bille,
Où d’un passage à vide où mon stylo habille.

ANDRÉ

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ESCAPADE

Rimes holorimes

Verre après verre, ce dîner touche à sa fin ;
Vers après vers, ce dîner touche à sa faim.

C’est au temps des mets, entre adultes, qu’on s’entend ;
C’est au temps d’aimer, entre adultes consentants.
La vie d’ans vit : ce repas c’était fort !
L’avide envie, ce repas, cet effort,
Dans ces bois automnaux et en terrain connu,

Danse et bois aux tonneaux et en terre inconnue,
Ah ! l’heureux sentiment, le plaisir décuplé.

Ah ! le ressentiment... le plaisir des culs plaît.

ANDRÉ

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La "rime double" s'avère un exercice ludique et un peu délicat à cause des homonymes commençant et finissant chaque nouveau vers. Ça rime au début et à la fin de chaque mètre. Pour le reste, c'est pareil que pour un poème classique.

Et puis, il y a ce travail préparatoire de recherche pour collecter un petit nombre de mots homonymes qui vont donner naissance à un poème un peu atypique, qui conserve, tout de même, tous les canons du "classique". Le fait d'utiliser des mots dont la prononciation est identique pousse assez naturellement à rechercher, grâce à la répétition des sons, un côté assez drolatique pour bien marquer et mettre en relief ces récurrences. On se prend facilement au jeu, même s'il faut un peu se "torturer" l'esprit.

 

PETITS MOTS DOUX ; PETITS MOTS D'OU ?

Exercice en "rimes doubles"

Aussi tôt qu'il écrit, il devient aussitôt
Bohème et créatif dans les mots : le beau aime ;
L'amant, tôt, qui se plie à ce doux lamento
Et sème les valeurs dans les vers qu'il essaime.

Sensé dans ses propos, il est aussi censé
N'omettre aucun défaut en composant au mètre,
Forcé d'être parfait quand toujours plus fort c'est.
Il peine être au sommet, dans son art y pénètre.

Comptant sur son travail, en dernier lieu content,
Davantage il ressent ce bien bel avantage
Tant il a su nourrir ses efforts dans le temps,
En gage d'excellence où sans fin il s'engage.

Danse sur le papier le vers riche et bien dense,
Adroit et réussi, quand le poète a droit
Au silence inspiré : dans l'harmonie s'y lance,
Croit en son avancée, et que son niveau croît.

ANDRÉ

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LES VERS BRISÉS

 

En un premier temps, on appelle "vers brisés" des vers dont trois lectures sont possibles en les séparant verticalement. Le poème, rimé, semble se présenter normalement, lors de sa lecture, et il détermine un premier sens. Mais si le lecteur approfondit et coupe les vers à la césure, il obtient deux autres poèmes, chacun ayant un sens complet à condition, bien entendu, qu'on ait pris soin de rimer également à l'hémistiche.

Des poètes comme ARAGON ont utilisé le procédé. Mais, bien avant, les romantiques en faisaient un jeu d'écriture seulement limité par l'imagination du poète. En voici, ci-dessous, un bel exemple signé Mellin de SAINT-GELAIS (1574) :


De coeur parfait,// chassez toute douleur.
Soyez soigneux, //n'ayez de nulle feinte.
Sans vilain fait, //entretenez douceur.
Vaillant et preux, //abandonnez la crainte.

Vous pouvez constater qu'il est possible de lire de façon linéaire le quatrain tel qu'on le fait habituellement, mais que l'on peut, également, le lire en le divisant :

De cœur parfait
Soyez soigneux,
Sans vilain fait,
Vaillant et preux

Puis :

Chassez toute douleur.
N'ayez de nulle feinte.
Entretenez douceur,
Abandonnez toute crainte.

 

Chaque quatrain rime. N'est-ce pas éblouissant ! ? Trois lectures s'offrent au lecteur pour un seul quatrain, sans que la compréhension du texte en soit altérée.

Voici ma modeste contribution à ce jeu poétique. Tout simplement, je l'ai intitulé : "VERS BRISÉS" :

 

VERS BRISÉS

Chérir la poésie, // le travail, l’agrément,
Ses règles et son chant // augurent la prouesse,
C’est la beauté choisie  // quand bien habilement
L’artiste sur le champ // s’offre un don de richesse,
Minutieusement, // peaufinant l’art des mots,
Au talent qui s’impose // et prônant l’exigence,
En retient savamment // la saveur, même aux maux,
La leçon grandiose //en devient l’excellence.

De vers parfaits //inspirez-vous,
Soyez soigneux, //lissez l’ouvrage
Pour qu’aux effets, //au rendez-vous,
Tout soit joyeux //sur votre page.

L’art de versifier, //performance ludique
Requiert de la méthode //et constance avant tout,
Se diversifier, // c’est l’esprit poétique,
Jeu plaisant et commode // en faire son atout.

ANDRÉ

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LES BONS USAGES
(vers brisés)

Les plus grandes pensées, // il nous faut bien d’admettre,
Fleurissent en dehors // de la légèreté ;
De raisons dépassées // rien de vrai ne peut naître,
Bâties en temps record, // le tout précipité.

Nous chérissons toujours // un travail de recherche
Plutôt que l’apparence, // il faut le souligner ;
L’objectif, sans détour, // est l’idée qui se perche
Guidant la performance, // assurant de gagner.

Fidèles compagnons // du labeur accompli,
Méprisons le banal, // aspirons aux richesses,
Pour que nous ne craignions // – et l’esprit bien rempli,
Le désordre au final, // oublions nos faiblesses.

ANDRÉ

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ÉCOSYSTÈME
(vers brisés)

Aimons, apprécions // dans le calme tranquille
Cet espace infini // qui réjouit l’esprit
Admirons, chérissons // ce paradis gracile
Cette douce harmonie // où la vie nous sourit
Dans sa fragilité // la Nature a grand rôle
Protégeons l’équilibre // et l’environnement
Son authenticité // y devient un symbole
Où le bien-être est libre // en l’aboutissement.

ANDRÉ

 

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BOL D’AIR

Poème en contrepèteries

Saison belle qui passe et ce doux mois me plaît ;
Formidable bol d’air que le breuil vocalise
Quand le vent toujours siffle et parfois s’éternise ;

Noble beauté de site à priser sans délai.

Aux faveurs d’une sente en la terre promise
Qui s’ouvre sur un lac : les berges sont à vous ;

Et passer de la crête à l’abime est de mise ;
Que j’aime ces ravins aux berges en dessous.

Le soir, comme il fait froid lorsque le temps se glace
Et met à l’horizon le couchant en valeur…

Tel un coureur de fond qui, transi, se déplace,
Je franchis le coteau près du pont, en sueur.

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Date de dernière mise à jour : 2024-03-05 08:42:01

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