Poésies classiques 3ème partie
Mes amis, écoutez, car je suis le poète,
Ma lyre étincelle aux accords harmonieux
Que chantent enjouées quelques rimes en quête
D’un vent de passion aux vers ingénieux.
Tandis que, dans la foi, Thalie commet une ode,
Qui, du Mont Hélicon, en transmet le refrain,
Tous les dieux de l’Olympe, unis en leur synode,
Célèbrent la beauté dans un parfait quatrain.
Au flambeau du lyrisme aux consonances vives,
Par l’union sacrée des rythmes et des sons,
La musique des mots, aux notes fugitives,
Déesse Polymnie, m’en octroie la moisson.
Mes amis, écoutez, car je suis le poète ;
Ma lyre resplendit d’accords harmonieux ;
J’ai envers le poème une extatique dette ;
Écrire en poésie n’est jamais ennuyeux.
Ô ! Déesses Thalie, Polymnie, Erato,
J’eusse aimé de ma lyre en solfier une ode,
Qui, du Mont Hélicon, dans un grand concerto,
Épandrait mes poèmes envers votre synode.
Ô ! Zeus Maître des Dieux qui depuis Olympie,
Mande les oracles, en prône la valeur,
Divinité du ciel qui dénonce l'impie,
Dissipe la souffrance, éloigne le malheur.
J’eusse aimé, Aphrodite, enfin sur cette terre,
Que tu donnas beauté et l’amour à tous ceux
Qui propagent la haine au nom de sots critères,
Et prêchent le calice à tous les malchanceux.
J’eusse aimé Mnémosyne, élue Mère des Muses,
Que tu dotas l’humain d’un peu plus de savoir,
Que la sagesse, un jour, prive les viles ruses
D’engendrer le péché, selon ton bon vouloir.
Ô ! Déesses et Dieux, de tous vos sanctuaires,
Bénissez l’innocent, l’ingénu que je suis ;
L’idéal est en moi, mais où sont mes repaires ?
Je cours après un rêve... et l'idée me poursuit.
Que ces journées d’été où le soleil flamboie
Répandent, dans les champs, généreuses chaleurs,
Ces rayons protecteurs dont le sol se pourvoie
Quand l’herbe jaunissant cerne les frêles fleurs.
La campagne revêt son habit de lumière ;
Les nombreux chants d’oiseaux parviennent en échos ;
Dans le proche jardin entourant la chaumière
Les guêpes butinent sur les coquelicots.
Sur la branche de pin, l’écureuil se profile,
Discret et attentif, au beau pelage roux,
Et à ma vue, soudain, se dissimule, agile,
Car je suis l’importun qui l’a mis en courroux.
Dans les massifs lointains passe un vol de corneilles,
Dessinant dans le ciel un voile prolongé,
Recherchant les fruits mûrs en de coquettes treilles,
Dont le raisin, c’est sûr, sera endommagé.
Je poursuis mon chemin, imbu de poésie,
Mon cœur est à la fête et mon esprit serein ;
Je goûte le bonheur, mon ouïe est saisie
De ces bruits familiers dont j’entends le refrain.
De par leur érosion née des tracas du temps,
Châteaux et monuments lèguent leur héritage
De remparts burinés, usés depuis longtemps,
Dressant leur ossature aux ravages de l’âge.
L’atmosphère d’époque en patine la pierre ;
La plupart des vieux murs en montrent la douleur ;
Leur restauration, indulgente prière,
Redonne un brin d’orgueil à leur triste pâleur.
Patrimoine en péril, qu’on ose la faveur
De vous donner le lustre et nouvelle jeunesse,
Afin que la mémoire en garde un œil rêveur,
Et que de notre histoire un fier passé renaisse.
Je suis l’admirateur des souvenirs de gloire,
Eclairé partisan des anciens bâtisseurs,
Dieu que l’architecture en devient méritoire
Aux hommes d'autrefois, habiles polisseurs.
Tu nourrissais, c’est vrai, certains dons de peinture,
Tes toiles achevées enrichissant nos murs,
Sont les vivants témoins, la tendre garniture
D’un talent du pinceau et de coloris purs.
L’éclatante fraîcheur de tes natures mortes
Témoigne de l’aisance et sensibilité,
D’un goût, d’émotions aux teintes pastel fortes
Que tu savais marier dans l’opportunité.
Et je passe du temps souvent devant tes toiles,
Pour boire les couleurs, charmer mon œil épris,
Tout comme le poète observant les étoiles
Savoure leur secret que sa vue a compris.
N’est point flagornerie l’hommage à ton mérite ;
J’ai toujours su priser cette vocation ;
Regrettant, toutefois, qu’une aisance émérite
N’ait connu plus longtemps ce feu de passion.
Le soleil se répand en longues tresses d’or
Sur l’immense tapis de gazon émeraude,
Flatté par la chaleur, gagné par le confort
Des bienfaisants rayons que le ciel échafaude.
Un aquilon plaintif murmure en la forêt ;
Les randonneurs s’en vont le sac sur leurs épaules,
Conquérant la nature en un parcours discret
Sous le charme coquet des futaies cévenoles.
Un cours d’eau alangui se perd dans les maquis ;
On y voit des pêcheurs prenant mal en patience,
Et dont l’œil vigilant guette l’instant exquis
Où la truite viendra selon toute espérance.
Sur les plus hauts rameaux des arbres, les oiseaux
Volent de branche en branche et pépient leur romance ;
Au faîte des cyprès, en forme de fuseaux,
Jacassent quelques pies en toute indifférence.
Partout, autour de moi, est un enchantement,
La nature et le temps y célèbrent leurs noces ;
Comment ne pas ici avoir le sentiment
De goûter les splendeurs devenues sacerdoces.
Que j’aime ces couleurs diaprées de l’automne,
Ces nuances, ces tons qui flamboient, contrastés,
Voir aussi dans les prés le brome qui frissonne
Sous l’aquilon glacial aux soupirs tourmentés.
Et la feuille jaunie tourbillonne, légère,
Avant de s’abîmer sur l’humus capiteux,
Dont la grisante odeur, limpide messagère,
Annonce les frimas sous un éther laiteux.
La nature s’endort, chamarrée, élégante,
Tel un bijou serti dans son coquet écrin ;
La sylve qui chatoie semble bien arrogante
Paraissant défier la saison en déclin.
Bientôt apparaîtra, sur les plus hautes crêtes,
Le blanc revêtement d’un grand manteau neigeux ;
L’isard désertera ses secrètes retraites
Pour rentrer dans le bois, refuge avantageux.
Quand la rosée des mers , la dense farigoule,
Décorent les plateaux au-dessus de Sormiou,
Et que l’on suit la mer, agitée par la houle,
En allant vers les Goudes on aperçoit Riou.
Calanques escarpées, parois impressionnantes,
Pins sylvestres noyés de soleil et de vent,
Innombrables voiliers sur les eaux scintillantes,
Qui défient l’élément dès le jour se levant.
Tout transpire, ici-bas, de capiteux arômes
Séduisant l’odorat par delà les sentiers,
C’est l’odeur de Provence et ses heureux symptômes
Qui réchauffent nos cœurs s’en rendant héritiers.
Comment ne s’étonner de prodigue nature :
Oblation de Dieu, près de l’écrin de mer,
Tout autour de Marseille, et charmante peinture
Dressée au chevalet d’un tableau qui m’est cher.
La grammaire surprise, étonnée et ravie,
Sentit, soudain, renaître un espoir imprévu ;
Ses souches ébranlées de graphie asservie
Au cuir de la syntaxe, étreinte au dépourvu,
Ne cachèrent leur joie face à ces barbarismes,
Mutilation de mots dont l’accent philistin
Ajouté aux écarts dus à bien d’anglicismes,
Semblaient avoir scellé son affligeant destin.
Il s’avère, aujourd’hui, que l’idée collective,
Prenne, enfin, l’ascendant sur les termes bannis,
Grâce à la volonté et l’initiative
Des intellectuels, fins rhéteurs réunis.
Ce manque de savoir, lacune du langage,
Dont l’emploi, sans respect, écorche plus d’un mot,
Est gagné, peu à peu, et à notre avantage,
Par le verbe équitable, au bon sens face aux « maux ».
La grammaire apaisée de voir venir en aide
À son chevet renfort, signe de réconfort,
Entretient cet espoir, au désir qu’elle plaide,
Pour qu’accords et sujets parent son coffre-fort.
Le vent a essaimé les pétales de rose
En tapis de velours au gazon du jardin,
Quand un soir de printemps la nature repose
Au chant des passereaux dans le vertugadin.
Et les coquelicots ondulent, flegmatiques,
Habillés par les rais d’un soleil fléchissant,
Tandis qu’au firmament, en vols acrobatiques,
Les martinets s’octroient un ballet incessant.
Le lac, perle d’argent est miroir séraphique :
Tel un ange gardien dans son écrin galant,
Où sur une onde étale, à mon regard pudique,
S’offre un envol accort du cygne vigilant.
Et j’observe, en amont, un petit exutoire
D’où s’écoulent les flots aux prairies, s’échappant ;
Quand la riche verdure est un évocatoire
À l’âme solitaire, aux sens m’enveloppant.
Les parfums, les couleurs et les sons se répandent,
Comme a dit Baudelaire en rêveur inspiré ;
Dans la douceur du jour ces beaux mots nous détendent
Aux murmures, aux tons d'un bienfait désiré.
Peignant nos sens au gré de leur probe richesse,
Dont notre oeil se nourrit, profite notre esprit ;
Ah ! ces pures couleurs, combien je le confesse,
Vernissent notre cœur quand l'espoir y souscrit.
Marions ces parfums, ces couleurs et ces sons ;
Qu'ils deviennent nectar que notre âme récolte,
Chassent du jour le fiel ainsi que les soupçons,
Au profit d'ornements d'un discret désinvolte.
Et tous ces coloris, gracieuses nuances,
Ces accents oubliés en nos désirs nouveaux,
Épanchent leur caresse et leurs prédominances :
Je respire aux raisons de ces traits picturaux.
Comme les bras tendus vers un charmant visage,
Deux rameaux d’églantine offrent leurs plans de fleurs,
Ondulant sous la brise et donnant au bocage
Un suave parfum courtisant les couleurs.
Se faufile un sentier, sinueux, solitaire,
Emprunté des amants qui se content mots doux,
Tapissé du velours de l’herbe printanière
Sur laquelle leurs pas se donnent rendez-vous.
Tandis qu’un rossignol en le sous-bois se glisse,
S’abrite du regard dans les haies d’arbrisseaux,
Un peintre, dans les champs, à l’âme novatrice,
Pérennise sur toile un alpage aux pinceaux.
Danse le menuet d’une verdure en fête,
Authentique à souhait, écrin d’intimité ;
Chante le doux refrain de la sylve coquette,
Quand la dryade veille avec félicité.
Est-il plus excessif que de boire au calice ;
Dans la communion sembler contempler Dieu,
Louer la probité, laver la cicatrice
D’un nombre de péchés abusifs à nos yeux ?
Nous les exorcisons dans la sainte prière
À l’Autel du Seigneur, afin de soulager
Les maux qui nous défient, serrant notre bréviaire
Dans nos coupables mains en vue d’être jugé.
La foi qui nous anime est divine onction,
Ravive en notre endroit l’atout de confiance,
Bannit notre anxiété, noie la tentation,
Planifie notre angoisse en ferveur et croyance.
En tout état de cause, et dans la probité,
Dépendent l’amour, la piété, l’allégeance
Dont la raison s’acquitte en la moralité,
Tandis que nous bénit le ciel de sa clémence.
Il me souvient du lac paré de nénuphars
Saturé de poissons de belle couleur rouge,
D’ensembles de roseaux qui, sous un ciel blafard,
Dressaient leurs chaumes creux sans qu’aucun d’eux ne bouge.
C’était au temps jadis, où les saules pleureurs
Épandaient jusqu’au sol leur généreux branchage,
Tandis qu’au bord de l’eau d’abondants lys en fleurs
Parsemaient de leurs plants les chemins du rivage.
La cascade brossait sur les rocs érodés
Ses gerbes de cristal où le fin capillaire
Proliférait en nids constamment inondés,
Suspendus, frémissants, aux brèches du calcaire.
De petits passereaux habitaient le bocage,
Recouvrant de leur chant ces immenses jardins,
Pendant que dans l’allée abritée du feuillage,
Les couples devisaient de leurs pas citadins.
Il me souvient encor de ce temps révolu ;
La nature octroyait pleinement ses essences,
Dont le charme feutré de ce parc s’est complu
Aux racines bénies qui ont pris leurs distances.
LES MUSES
Je voudrais de Clio hériter du savoir,
Engranger la culture et maîtriser l’Histoire
De l’évolution pour mieux la percevoir ;
Être docte, avisé, devenir méritoire.
Je voudrais d’Uranie vernis et compétence,
Pour qu’en astronomie, la science des cieux,
J’entrevois la structure et pèse leur distance,
D’astres, de soleils, dans l’éther silencieux.
Je voudrais d’Euterpe couvrir quelques accords,
Entendre l’harmonie de pianos féeriques,
Où je m’enivrerais, frémissant en mon corps,
Au son d’un concerto aux accords oniriques.
Je voudrais de Thalie enrichir mon esprit
D’un genre littéraire et, dans le vaudeville,
Emprunter aux acteurs leur meilleur manuscrit,
Jouer la comédie, avoir le verbe habile.
Je voudrais d’Érato flatter les notions,
Dans les hexamètres et dans les pentamètres,
Parfaire quelques vers en mes ambitions,
Être tendre, lyrique, écrire en belles-lettres.
Grâce à toi, Melpomène, être un génial acteur ;
Danser le soir venu au ballet des étoiles,
Si Terpsichore autant m’en accorde faveur ;
Que Calliope, enfin, au brio me dévoile.
Polymnie m’a donné, dans son aménité,
Quelques dons de graphie – quelle sublime Muse - !
Je cède à ses désirs dans la félicité,
Me nourris de quatrains si parfois j’en abuse.
La clairière charmée de lumière argentée,
Aux fraîcheurs de l’aurore émeut, près du bosquet,
Les fragiles bourgeons couronnant la futaie,
Tremblants au vent léger dans leur maintien coquet.
Le murmure feutré de l’eau dont l’étiage
Serpente et puis se perd aux profondeurs du breuil,
Flatte aux sons cristallins le troublant mariage
Des ombres, des couleurs qui en font tout l’orgueil.
Et par les longs chemins, quand fleurit chaque songe,
Dans l’heure ensommeillée aux parfums du vernal,
Un arôme musqué de l’humus se prolonge
Enrobant l’odorat, dans l’air frais matinal.
Glissent au firmament les nuages d’albâtre,
Se délitant dans l’air en mouchetant le ciel,
Portés par le zéphyr dont le souffle idolâtre
Les cimes crénelées, gercées d’un arc-en-ciel.
Entre les feuillaisons, sur un rameau flexible,
Se balance un pinson dont le chant séducteur,
Conquiert à la faveur d’une oreille sensible,
Le lyrisme galant dont il est colporteur.
Date de dernière mise à jour : 2019-05-10 19:50:19